Détournement d’un fait réel, inspiré des ouvrières de Lejaby
Les ouvrières étaient toutes réunies sur le toit de l’armoire, pour décider de leur avenir. L’heure était grave.
- Travailleuses ! Ecoutez-moi. Il nous faut réagir. Le patronat s’en prend à notre outil de travail. Il nous impose des matières inexploitables. Tout cela est réfléchi.
- Oui. Ras le bol du Made in China et de la naphtaline. Ils veulent notre peau. Il faut faire quelque chose et vite.
- Oui, il faut se battre.
- Ne rêve pas, ma vieille, c’est foutu ! On a plus besoin de toi dans cette armoire.
- Mais, que va-t-on devenir ?
- Bah ! Des mites au chômage, comme les puces de Médor, l’année dernière, quand il s’est acheté un collier.
Les larmes montaient et les ailes s’affaissaient.
- Non, il faut qu’on bouge. Moi je propose de migrer dans le matelas. Il est encore en laine. C’est dans nos compétences.
- T’es marrante, toi. Moi j’ai le petit à déposer à la troisième étagère à 8h. A quelle heure cela me fera-t-il arriver ? Il faut au moins une heure pour passer la commode. Et le mardi et le jeudi matin, il y a la montée des eaux savonneuses. Des coups à y rester ! Non, très peu pour moi.
- Pour ma part, je vais réfléchir quand même. Je pourrai déménager dans la table de nuit, tiroir de gauche. C’est plus petit, mais il faut bien travailler. J’y connais la concierge.
- Et pour celles pour qui c’est trop compliqué de migrer, pourquoi on ne changerait pas de secteur.
L’interrogation et la surprise se lisaient sur tous les visages.
- Qu’est-ce-que tu veux dire ? Mon arrière-grand-mère, ma grand-mère, ma mère étaient des grignoteuses de chandail. Je ne sais rien faire d’autre, moi.
- Eh bien, on va apprendre à croquer dans les lattes de parquet. On n’ est pas plus bête que des puces.
- Mais t’es folle ! On n’est pas formées et surtout pas équipées pour !
- Et bien formons nous. Et faisons-nous poser des appareils dentaires pour attaquer le bois plus efficacement. On trouvera bien une vieille puce consultante à la retraite, qui nous apprendra les bases, contre rémunération, bien sûr. Allez, il faut y croire !
- Moi, désolée, mais je suis trop vieille. Mes dents se déchaussent déjà. Alors un appareil pour croquer dans du bois, ce n’est pas possible. Mon heure a sonné, je crois.
Les filles en avaient gros sur la patate de voir leur copine fondre en larmes. Après tant d’années de bons et loyaux services, elle ne méritait pas cela.
- Quand même ! C’est y pas malheureux de voir tous ces cachemires disparaitre et nous avec !
Corinne M.
12/02/2012